Traduction
française de l'article original en Anglais,
paru dans le magazine "Computing in Science and Engineering" de
l'IEEE Computer Society.
Par Eric Korpela, Dan
Werthimer, David Anderson, Jeff Cobb, et Matt Lebofsky.
Depuis les premiers
jours de la radio, nombreux sont ceux qui ont considéré la possibilité
de détecter des signaux venant d'une civilisation extra-terrestre — et
depuis l'avènement de la radio-astronomie, les outils permettant une
telle recherche ont existé. Depuis la fin des années 1950, les
chercheurs ont effectué des recherches progressivement de plus en plus
sensibles, mais chaque piste de recherche a été limitée par les
technologies alors disponibles. Alors que les technologies en
radio-fréquences sont devenues de plus en plus efficaces et les
ordinateurs de plus en plus rapides, ces recherches se sont plus tard
largement accrues et sont devenues de plus en plus précises. Le projet
SETI@home, conduit par un groupe de chercheurs au Laboratoire de Sciences
Spatiales de l'Université de Californie à Berkeley, est la toute
première tentative d'utilisation du calcul distribué à large échelle
pour effectuer une recherche exhaustive et précise des signaux radios de
civilisations extraterrestres.
Introduction à la
recherche SETI radio.
Vous pourriez vous
demander pourquoi un énorme super-ordinateur serait nécessaire pour
détecter des signaux radio d'une civilisation étrangère. cela semble en
effet une tâche de traitement de signal relativement simple. Mais un tel
super-ordinateur est nécessaire principalement parce que :
- les paramètres
d'émission d'un signal étranger sont inconnus, et
- la sensibilité de
la recherche d'une intelligence extra-terrestre (SETI) dépend presque
exclusivement de la puissance de calcul disponible.
Notre recherche d'une
intelligence extra-terrestre suppose qu'une civilisation étrangère
souhaitant contacter d'autres races diffuserait un signal qui est
facilement détectable et facilement distinguable des sources naturelles
de radio-émissions. Une façon d'accomplir ces objectifs est d'envoyer un
signal à bande de fréquence étroite. En concentrant la puissance du
signal dans une bande de fréquence très serrée, le signal apparaîtra
nettement parmi les sources naturelles de bruits à large bande.
Par conséquent, les
efforts en radio SETI se sont concentrés sur la détection des signaux à
bande étroite. Pour la recherche de signaux en bande étroite, il vaut
mieux choisir une fenêtre de recherche (ou un canal) autour d'une
fréquence donnée. Plus large est le canal, plus nombreux sont les bruits
en bande large inclus en addition à tout signal, ce qui limite alors la
sensibilité du système. Les premiers systèmes utilisaient des
technologies analogiques pour créer des filtres passe-bande étroits
capables d'observer un canal d'une fréquence donnée. Les systèmes les
plus récents utilisent des banques massives de processeurs dédiés aux
transformations de Fourier rapides (FFT) pour séparer les signaux
entrants jusqu'à un milliard de canaux, pas plus larges que 1 Hz
chacun.
Malheureusement cette
technique a ses limites. D'une part, les signaux extraterrestres ne seront
probablement pas stables en fréquence à cause des accélérations subies
par l'émetteur et le récepteur. Par exemple, un récepteur écoutant des
signaux à 1,4 GHz situé sur la surface de la Terre subit une
accélération pouvant aller jusqu'à 3,4 cm/s2 à cause
de la rotation de la Terre. Cela peut sembler très peu, mais cela
correspond pourtant à une vitesse de dérive Doppler de 0,16 Hz/s.
Sans correction, une transmission extraterrestre glisserait hors du canal
de 1 Hz en près de 6 secondes, ce qui lite effectivement le temps
maximum d'intégration du signal à 6 secondes seulement. Et à cause de
la relation inverse entre la résolution maximale de fréquence et
le temps d'intégration Du = (1/Dt), il y a une limite effective à la
résolution de fréquence que nous pouvons obtenir sans corriger cet effet
dans le signal reçu (Du ~ 0,4 Hz).
En principe, nous
pouvons corriger la plus grande part de cette dérive résultant des
mouvements de la Terre, mais comment pouvons-nous corriger les effets des
mouvements d'une planète inconnue où serait situé l'émetteur ?
Une civilisation étrangère émettant des signaux en un faisceau étroit
vers la Terre pourrait corriger le signal émis en fonction des mouvements
du transmetteur, mais une civilisation transmettant un panache
omnidirectionnel ne pourrait pas effectuer un tel ajustement, car la
correction nécessaire dépend de la direction de l'émission. Aussi, pour
chercher ce type de signaux sur des bandes de fréquences très étroites
(Du << 1 Hz)
et pour obtenir la sensibilité la plus grande possible, nous devons
corriger les dérives Doppler au niveau de la réception et recherche des
signaux sur de multiples vitesses de dérive Doppler. La répétition de
l'analyse à des vitesses de dérive Doppler multiples devient alors très
gourmande en calculs.
D'autres paramètres
du signal sont encore inconnus — par exemple, à quelle fréquence
sera-t-il transmis ? Quelle est sa largeur de bande ? Sera-t-il
pulsatif ? Si oui, avec quelle période ? L'investigation
complète d'une gamme étendue de ces paramètres requière une puissance
de calcul proportionnellement plus large.
En plus de détecter
un signal, nous devons déterminer si un signal est vraiment d'origine
céleste. Tout un tas très vaste des signaux à bande étroite reçus par
un radio-télescope consiste en interférences de radio-fréquences (IRF)
générées localement. Heureusement, les IRFs ont des propriétés qui
nous permettent de les distinguer des émissions d'origine non terrestre.
Mais là encore, cette élimination des IRFs demande des ressources de
calcul.
Accomplir ces calculs
sur ne serait-ce qu'une petite partie du spectre radio demanderait plus de
puissance de calcul que ce qui est disponible dans le super-ordinateur le
plus large existant.
Distribution de la
charge de calcul.
Par chance, la
recherche des signaux dans un flux de données d'un radio-télescope est
une tâche facilement distribuable. Nous pouvons tronçonner les données
d'une observation en bandes de fréquences qui sont essentiellement
indépendantes les unes des autres. De plus, une observation d'un secteur
du ciel est essentiellement indépendante de l'observation d'un autre
secteur. Cela nous permet de diviser un très grand ensemble de données
en petits tronçons qu'un ordinateur personnel peut analyser
comparativement assez vite. De cette façon, nous pouvons distribuer le
travail aux personnes qui souhaitent contribuer en offrant les cycles de
temps libre de leurs processeurs.
SETI@home conduit ses
observations au radio-télescope de 305 mètres du Centre National
d'étude Astronomique et Ionosphérique (N.A.I.C.) situé à Arecibo, sur
l'île de Puerto Rico (voir la figure 1). Le projet utilise un collecteur
dédié (la structure quasiment verticale suspendue à gauche du centre de
la coupole, montrée dans la vue rapprochée) situé sur le récepteur
monté à l'opposé du collecteur principal d'observation (la structure
fermée en forme de dôme à droite) sur le chariot de transport du
télescope d'Arecibo. Cet arrangement unique nous permet de conduire les
observations SETI@home sans interférer avec les autres usages du
télescope et cela nous offre trois modes principaux d'observation. Si le
collecteur primaire est stationnaire, les objets du ciel passent dans le
champ de visibilité (0,1 degrés) de l'instrument SETI@home à la
vitesse de la rotation de la Terre (connu également comme la vitesse
sidérale). Un objet aurait alors besoin d'environ 24 secondes pour
transiter dans ce champ. Si l'observateur principal poursuit une source
dans le ciel, le faisceau du capteur SETI@home glissera dans le ciel à
une vitesse double de la vitesse sidérale. Occasionnellement, d'autres
observateurs pourraient utiliser le capteur SETI@home pour suivre des
objets dans le ciel.
Figure 1. SETI@home
utilise le télescope de 305 mètres du National Astronomy and Ionospheric
Center à Arecibo, Puerto Rico. La vue rapprochée de droite montre les
détails de la structure du "chariot d'accueil des instruments".
Le capteur SETI est l'antenne verticale descendant du chariot d'accueil.
(Photos fournies par le NAIC—Observatoire d'Arecibo, un site géré par la
NSF. Photos prises par David Parker et Tony Acevedo.)
Durant toute la durée
du projet, SETI@home verra la plupart des secteurs du ciel visible
d'Arecibo trois fois ou plus. Cela inclura les étoiles dont la
déclinaison (l'équivalent céleste de la latitude) varie de –2º (Sud)
à 38º (Nord), couvrant assez bien près de 25% du ciel.
Le système SETI@home
enregistre une bande de fréquence large de 2,5 MHz, centrée sur la
"raie de l'hydrogène" à 1 420 MHz. Puisque cette
raie spectrale serait digne d'intérêt à tout astronome de n'importe
quelle espèce étudiant la galaxie où l'hydrogène est prédominant,
cette fréquence est l'une des localisations les plus probables pour les
transmissions extra-terrestres. Cette bande de 2,5 MHz est
enregistrée de façon continue sur des bandes DLT de 35 Giga-octets
en utilisant des échantillons d'une complexité de 2 bits. Chaque
bande enregistre donc environ 15,5 heures de données. L'étude
complète du ciel devrait demander près de 1 100 bandes, pour
un total de 39 Téra-octets de données.
Les bandes
enregistrées sont envoyées à Berkeley, où nous les subdivisons en
unités de travail plus petites sur 4 stations de travail dédiées à un
programme tranchoir. Nous divisons les données de la bande de
2,5 MHz en 256 sous-bandes, au moyen d'une FFT calculée sur 2048
points suivie par 256 transformées inverses calculées sur 8 points et
arrondies à nouveau sur 2 bits. Puisque les sous-bandes de
9 766 Hz produites sont divisées en suites de 220 échantillons,
chaque unité de travail correspond à près de 10 kHz de bande
passante et 107 secondes de durée d'observation. Les unités de travail
suivantes se superposent par 20 à 30 secondes communes pour
permettre l'analyse complète des signaux qui pourraient être situés
dans le temps de transition du faisceau aux extrémités d'une unité de
travail. Nous transférons chaque unité de travail générée vers un
espace de stockage temporaire (capable d'accueillir près de
750 000 unités de travail) destiné à la distribution vers les
utilisateurs.
Le serveur principal
de SETI@home (Figure 2) consiste en trois ordinateurs Sun Enterprise 450
series. L'un d'eux gère la base de données des utilisateurs, et contient
les informations relatives à chacun des 2,75 millions de volontaires
SETI@home (incluant le nombre d'unités de travail accomplies, l'heure de
dernière connexion, et l'inscription dans une équipe de travail). La
base des utilisateurs contient également des informations statistiques et
de contrôle, notamment la quantité de travail accomplie sur chaque type
d'architecture de microprocesseur, et sur chaque système d'exploitation
sur lequel SETI@home a été porté.
Figure 2. Structure
du serveur de données SETI@home.
Le second système
serveur contient la base de données scientifique sur une grappe de
disques redondants en expansion constante (actuellement un RAID 0+1 de
432 Giga-octets). La base de données scientifiques contient des
informations telles que l'heure, les positions dans le ciel, et les
fréquences pour chaque unité de travail générée, ainsi que les
informations sur le nombre de fois l'unité de travail a été transmise
aux utilisateurs SETI@home et combien de résultats ont été reçus.
La majeure partie de
la base de données scientifiques stocke les paramètres des signaux
potentiels (tels que le type, la puissance, la fréquence et les
coordonnées dans le temps et le ciel du signal) détectés et retournés
par les volontaires SETI@home. En octobre 2000, la base de données
contenait déjà plus de 1,1 milliard de signaux candidats (avant
rejet des IRFs).
Le troisième système
gère le stockage et la distribution des unités de travail et des
résultats retournés. Les communications entre le serveur de données et
les clients utilisent le protocole standard de transfert hypertexte
(HTTP). Nous avons choisi ce protocole car bien des volontaires connectés
à Internet peuvent être situés derrière des systèmes pare-feu qui
prohibe la plus grande partie des trafics réseau, mais permettent
seulement l'accès au web mondial.
Les données
échangées avec le serveur de données sont semblables à la transmission
des éléments d'un formulaire classique sur le web, et le serveur
supporte deux types de requêtes. La première requête demande une unité
de travail. La réponse à cette requête inclue une unité de travail
choisie depuis l'espace temporaire de stockage. La priorité va aux
unités de travail qui n'ont pas encore été envoyées, ou à celles pour
lesquelles aucun résultat n'a été reçu.
Dans le second type de
requête, le programme client retourne un résultat au serveur. Le serveur
insère les signaux candidats inclus dans ce résultat vers la base de
données scientifiques et met à jour les statistiques du volontaire dans
la base de données des utilisateurs. La réponse à cette requête inclue
les informations d'identification et les statistiques mises à jour du
volontaire, de sorte que le programme client puisse les afficher.
Accessoirement, le
serveur de données gère aussi les requêtes d'inscription des
utilisateurs au projet : le programme client permet de saisir les
informations de l'utilisateur, et transmet ces données dans une requête
d'inscription ou de changement de compte, et le serveur de données y
réponds là aussi en incluant les informations d'identification et les
statistiques actuelles du volontaire.
En plus de ces trois
systèmes du serveur de données et des stations de travail exécutant le
programme tranchoir, un quatrième système gère le serveur du site web,
dont certaines pages exécutent des scripts de consultation depuis le site
web des statistiques de l'utilisateur, obtenues par la connexion du
serveur web au serveur de données des utilisateurs. Régulièrement, un
script met à jour les graphiques et données statistiques en consolidant
les données individuelles des utilisateurs de chaque groupe de travail,
pays, etc... Des serveurs FTP accueillent également les versions de
logiciels téléchargeables par les utilisateurs via Internet.
Le programme client
SETI@home.
SETI@home distribue
actuellement le logiciel client pour 47 combinaisons différentes de
processeurs et de système d'exploitation. Les utilisateurs peuvent
télécharger le logiciel depuis le site web SETI@home (http://setiathome.ssl.berkeley.edu).
Pour Microsoft Windows et Apple Macintosh, le logiciel s'installe par
défaut comme un écran de veille (Figure 3), ne traitant les données que
lorsque l'écran de veille est actif. Pour les autres plates-formes, le
client de base est basé en mode texte. Les utilisateurs de ces
plates-formes exécutent généralement le client en tâche de fond. Un
programme d'affichage graphique similaire aux versions Mac et Windows est
disponible pour les systèmes Unix qui disposent du système X Windows. En
option, une grande variété d'applications tierces ont été
développées par des contributeurs pour afficher les données, les
signaux détectés, cartes du ciel, et les statistiques des volontaires.
Figure 3. Une capture
écran du programme client SETI@home. La moitié inférieure de l'écran
présente le spectre de puissance en cours d'analyse. La partie supérieure
gauche montre l'état de l'analyse et les résultats principaux. La section
supérieure droite affiche des informations sur les données à traiter et
les statistiques utilisateur.
Après la réception
d'une unité de travail, le client calcule un lissage en ligne de base sur
les données pour ôter tous les artéfacts de bande large (Du > 2 kHz). Cela
évite au client de confondre les fluctuations du bruit en bande large
(due en partie aux variations de la raie d'émission de l'hydrogène alors
que le champ de visibilité traverse le ciel) avec des signaux
intelligents. Le client commence alors la boucle principale d'analyse,
montrée schématiquement en Figure 4.
Pour chaque
vitesse de dérive Doppler de -50 Hz/s à +50 Hz {
Générer un signal accéléré corrigeant cette dérive.
Pour chaque largeur de bande de 0,075 à 1220 Hz en pas 2x {
Calculer le spectre de puissance en fonction du
temps.
Pour chaque fréquence du spectre calculé {
Chercher les signaux de courte durée
au dessus d'un
seuil constant (pics de
crête).
Rechercher les signaux stables dont la
puissance
correspond aux paramètres
du faisceau (Gaussiens).
Rechercher des groupes de 3 signaux
espacés
régulièrement dans le
temps (triplets).
Rechercher les signaux faibles
répétitifs (impulsions).
}
}
}
Figure 4. Représentation en pseudo-code de l'algorithme SETI@home.
Au début de chaque
passage dans la boucle principale, les données sont transformées dans
une trame accélérée en fonction d'une vitesse de dérive Doppler
donnée. Les vitesses de dérives pour lesquelles le client analyse les
données du signal varient de –10 Hz/sec à +10 Hz/sec
(accélérations attendues sur une planète en rotation rapide) par pas de
0,0018 Hz/sec. Le client examine aussi les données à des vitesses
de dérives Doppler allant jusqu'à ±50 Hz/sec
(accélérations dont la magnitude correspondrait à un satellite en
orbite basse autour d'une planète telle que la Terre), mais avec un pas
plus lâche de 0,029 Hz/sec. Un signal provenant d'un monde étranger
aurait plus probablement une vitesse de dérive négative (puisque les
accélérations impliquées seraient éloignées de l'observateur).
Malgré tout, nous examinons à la fois les vitesses de dérives positives
et négatives dans le but de comparaisons statistiques et pour laisser
ouverte la possibilité d'une signal extra-terrestre délibérément
glissant en fréquence (par exemple si ce monde conduit des communications
avec ses propres sondes spatiales lancées dans le cosmos).
A chaque vitesse de
dérive, le client recherche des signaux sur une ou plusieurs bandes
passantes (Du), larges de
0,075 Hz à 1 221 Hz. Cela s'effectue en calculant des FFTs
de longueur 2n (n = 3, 4, ..., 17) pour
transformer les données en un spectre de puissance ordonnée suivant le
temps. Pour éviter de répéter du travail, toutes les bandes passantes
ne sont pas examinées à chaque vitesse de dérive Doppler. Ce n'est que
si la vitesse de dérive devient significative comparée à (1/Du2) que le programme
calcule une autre FFT de longueur donnée. Aussi, les transformées à 32K
points ne calculées quatre fois moins souvent que les transformées à
64K points.
Les données
transformées sont alors examinées pour trouver les signaux qui excèdent
22 fois la puissance moyenne de bruit. Ce seuil correspond à une
puissance de 7,2 × 10–25 W/m2 pour
notre résolution spectrale de fréquence la plus fine, soit l'équivalent
de la détection sur Terre d'un téléphone cellulaire émettant depuis
l'une des lunes de Saturne. Le client SETI@home rapporte de tels signaux
de crête (spike) dans les résultats transmis.
S'il y a une
résolution de temps suffisante dans les données transformées (n < 15)
et que le capteur SETI ne poursuit pas un objet fixe dans le ciel, le
client examine aussi les données pour chercher les signaux qui
correspondent aux paramètres de réception du faisceau de détection du
télescope. Quand une source radio glisse dans le champ de visibilité, la
puissance mesurée variera suivant le profil du faisceau du télescope,
qui est pratiquement de forme Gaussienne. Le client SETI@home calcule
ainsi le facteur c2
d'un ajustement pondéré par le profil gaussien, sur tous les signaux qui
excèdent 3,2 fois la puissance moyenne de bruit et rapporte ceux
dont la qualité d'ajustement excède un certain niveau. Ce niveau de
puissance corresponds typiquement à 8,4 × 10–25 W/m2.
Le client divise alors
les données transformées à chaque fréquence en segments dont la durée
égale le temps requis pour qu'un objet traverse le champs de visibilité
du télescope. Deux algorithmes servent à analyser ces segments à la
recherche des signaux pulsatifs. Le premier algorithme, le chercheur de
triplets, parcourent chaque segment pour trouver trois signaux espacés
régulièrement dont la puissance dépasse 7,75 fois la puissance moyenne
de bruit (soit au minimum 5,3 × 10–25 W/m2)
et rapporte les signaux détectés.
Le second algorithme
est un algorithme modifié de repli rapide. Un algorithme de repli rapide
(Fast Folding Algorithm ou FFA) les données en tronçons de durée égale
à la période recherchée et les co-additionne pour améliorer le rapport
signal-bruit. Une FFA calcule cette fonction pour un nombre large de
période sans dupliquer les additions requises. L'algorithme de repli de
SETI@home recherche environ (N log N) périodes
d'impulsion, où N est la longueur du tableau d'entrée. Cela
correspond à des périodes allant de 2 à (N/3) échantillons.
Durant une exécution typique du client, cela donne près d'un million de
périodes de durée allant de 2 ms à 10 s. Le programme calcule
le seuil de détection d'un signal pulsatif dynamiquement pour
correspondre au nombre d'échantillons co-additionnés. Ce seuil peut
ainsi être aussi petit que 0,04 fois le niveau de bruit moyen pour
des impulsions dont la période est inférieure à 10 ms si celle-ci
sont répétées de nombreuses fois. Cela correspond à des énergies
d'impulsions très faibles de l'ordre de 1,8 × 10–26 J/m2.
Suivant les
paramètres de l'unité de travail individuelle, cette boucle de calcul
requière 2,4 à 3,8 trillions d'opérations en virgule flottante
(Téra-flops). Pour un ordinateur personnel typique (500 MHz), il
faudra de 10 à 12 heures de calcul continu pour achever une unité de
travail. En moyenne pour une unité de travail, le client SETI@home
reporterait huit signaux — quatre signaux de pics (spikes), un signal
Gaussien, un signal pulsé, et un signal triplet.
Le post-traitement.
Quant le client a
terminé son travail, la tâche n'est pas achevée. Typiquement le
programme client SETI@home retourne quelques signaux potentiels par unité
de travail. Bien sûr, ces signaux ne démontrent pas tous l'évidence
d'une intelligence extra-terrestre.
Des erreurs produites
par les ordinateurs de calcul peuvent produire certains de ces signaux.
Les processeurs numériques typiques, la mémoire, et les systèmes disque
sont assez fiables. Cependant SETI@home utilise des milliers d'années de
temps processeurs par jour, ce qui accroît considérablement des taux
d'erreur même faibles. Même si des erreurs non détectées se
produisaient en moyenne toutes les 1018 instructions machine,
SETI@home en verrait plusieurs par jour. Des erreurs additionnelles
peuvent être introduites dans la transmission des résultats à cause de
connexions interrompues ou de services d'accès Proxy HTTP défaillants.
Pour combattre ces effets, nous examinons chaque signal reçu pour voir si
les paramètres correspondent à leurs valeurs permises. Nous envoyons
également chaque unité de travail à des volontaires multiples et
comparons leurs valeurs mutuelles pour vérifier leur exactitude.
La vaste majorité des
signaux dans la base de données scientifiques ne sont l'évidence que de
l'intelligence terrestre. Les sources radio à bande étroite sont
présentes partout où une technologie humaine est présente. Même à
l'Observatoire d'Arecibo, où des mesures ont été prises pour minimiser
les interférences, ce bruit est présent, à cause des équipements
électroniques locaux, des aéronefs, satellites, et autres transmetteurs.
Heureusement, ces sources d'émission terrestre sont relativement faciles
à distinguer d'un signal extra-terrestre.
Une large fraction des
IRF consiste en signaux continus à bande étroite générés à
l'observatoire ou sa proximité. Un signal extraterrestre ne sera
détecté que lorsque il est dans le champ de visibilité du télescope,
et, pour notre mode opératoire d'analyse, n'aura qu'une durée limitée.
Tout signal excédant cette durée est nécessairement terrestre et doit
être rejeté.
D'autres sources IRF
sont de courte durée et se répètent à des échelles de temps allant de
plusieurs heures à plusieurs jours. Aussi, tout signal qui se répète
alors que le télescope voit un secteur différent dans le ciel doit aussi
être rejeté.
Une fois les IRF
éliminées, tout un tas de signaux restants sont dus à des fluctuations
aléatoires dans le bruit de fond et peuvent ressembler à un signal
extra-terrestre. Pour sélectionner les véritables signaux
extra-terrestres, nous pouvons rechercher les signaux à source
persistante. Nous nous attendons qu'un signal extra-terrestre sera
présent à une fréquence similaire la prochaine fois que nous
examinerons la même position céleste.
État du projet.
Au 23 Octobre 2000,
2 438 045 volontaires ont exécuté le programme SETI@home.
Parmi eux, 519 725 exécutaient activement le programme et ont
retourné au moins un résultat dans les deux semaines précédentes. Ces
volontaires ont produit un total de 437 000 années de temps de
calcul processeur pour un total de 4,3 × 108
Téra-flops. Actuellement, la puissance de calcul moyenne des ordinateurs
exécutant SETI@home est de 15,7 Téra-flops/s — la moyenne
calculée depuis le début du projet est de 9,5 Téra-flops/s. A la
connaissance du public, SETI@home est le plus large projet de calcul
distribué ayant existé. Il peut également être considéré comme le
plus large super-ordinateur ayant été créé le plus calcul le plus long
jamais effectué. Alors que nous écrivions ce seul paragraphe, 60 nouveau
volontaires se sont joints au projet.
Les 1.1 milliards de
signaux dans la base de données SETI@home sont maintenant examinées avec
les techniques que nous avons décrites. La vitesse à laquelle nous
examinons actuellement les signaux est inférieure à celle où de
nouveaux signaux sont injectés dans la base de données, aussi nous
n'avons regardé dans les détails une fraction relativement petite des
signaux potentiels. Nous ajouterons bientôt un autre système
informatique à notre configuration de serveurs pour accélérer ce
traitement — nous espérons pouvoir examiner les signaux en temps réel
avant peu de temps. Mais jusqu'ici, aucun des signaux examinés n'a
montré l'évidence d'une intelligence extra-terrestre.
Conclusion.
SETI@home a été
programmé à l'origine pour traiter environ deux années de données du
télescope d'Arecibo. La forte réponse du public et de nouvelles
améliorations au logiciel client nous ont mené à étendre cette étude.
SETI@home ne recueille
actuellement qu'une très petite portion du spectre radio et une petite
partie du ciel. Les deux façons les plus évidentes d'étendre le projet
est d'étendre la couverture du ciel et élargir la bande de fréquences
couverte. SETI@home II, actuellement encore à l'étude, espère faire les
deux.
La meilleure façon
d'étendre la couverture du ciel serait d'ajouter un système de collecte
SETI@home dans un radio-télescope de l'hémisphère sud. Cela nous
permettrait d'étendre notre couverture du ciel de 25% à 75%. Nous
discutons actuellement la possibilité avec un observatoire méridional.
Le système
d'enregistrement actuel limite notre largeur de bande de fréquence. En
dupliquant le système d'enregistrement, nous pourrions doubler la
couverture en bande passante de SETI@home (et bien sûr son débit de
donnée).
Comme pour toute
organisation volontaire, il est important que SETI@home réponde aux
désirs de ses volontaires, car le succès du programme dépends
entièrement des volontaires qui lui fournisse les ressources de calcul.
Nous continuerons à garder nos volontaires informés de nos progrès et
de partager avec eux les éléments scientifiques appuyant les recherches
SETI. Nous travaillerons aussi pour fournir à nos volontaires des
informations sur les signaux potentiels qui ont été détectés et les
secteurs du ciel qu'ils ont analysé.
Remerciements.
SETI@home est
largement finance par des donations privées. L'équipe de projet
SETI@home tient à remercier particulièrement la Planetary Society, Sun
Microsystems, Fujifilm, l'Institut SETI, et les Amis de SETI@home
(individus privés) pour leurs contributions. Certaines contributions de
sociétés ont été collectés via le Programme pour l'Innovation
dans les Média Numériques de l'Université de Californie. Nous aimerions
aussi remercier les volontaires SETI@home partout dans le monde pour leur
inestimable contribution à la formidable puissance de calcul qui fait
fonctionner SETI@home.
Références
- S. Bowyer et al.,
"Twenty Years of SERENDIP, the Berkeley SETI Effort: Past Results
and Future Plans," article paru dans Astronomical and
Biochemical Origins and the Search for Life in the Universe, C.B.
Cosmovici, S. Bowyer, and D. Werthimer, eds., IAU Colloquium No. 161
(Editrice Compositori: Bologna), p. 667, 1996.
- D. Anderson et al.,
"Internet Computing for SETI," article paru dans Bioastronomy
99: A New Era in Bioastronomy, G. Lemarchand and K. Meech, eds., ASP
Conference Series No. 213 (Astronomical Society of the Pacific: San
Francisco), p. 511, 2000.
Eric Korpela est un astonome
chercheur au Laboratoire de Sciences Spatiales de l'Université de
Californie, à Berkeley. En plus de son travail sur SETI, il est
spécialiste de l'étude de la matière interstellaire et de
l'instrumentation astronomique dans l'extrême ultraviolet. Contactez le
à korpela@albert.ssl.berkeley.edu.
Dan Werthimer est directeur du
programme SETI Serendip et chef scientifique de SETI@home. Il a publié de
nombreux articles scientifiques au sujet de SETI, la radio-astronomie,
l'instrumentation et l'enseignement scientifique, et est l'éditeur de Astronomical and Biochemical Origins
(Les origines astronomiques et biochimiques) et de Search for Life in the Universe (La recherche de la vie dans l'Univers).
David Anderson est le directeur
de projet SETI@home. David a effectué des recherches approfondies sur les
systèmes d'exploitation, l'informatique distribuée, et les graphiques
par ordinateur. David a récemment rejoint l'équipe de direction du
fournisseur d'équipements informatiques distribués United Devices en
tant que chef-directeur des technologies.
Jeff Cobb est l'ingénieur
logiciel et le directeur des systèmes pour les projets SETI à l'U.C. Il
a participé au groupe SETI depuis sept ans, et développé nombreux des
algorithmes utilisés dans SETI@home.
Matt Lebofsky a étudié les
sciences informatiques et la composition musicale par ordinateur à
l'Université de Binghamton, et suit actuellement deux carrières
complètement séparées dans les deux domaines. (Voir aussi www.lebofsky.com.)
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